L’agilité ou comment être plus flexible dans son travail

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“Absorbez ce qui est utile, éliminez ce qui ne l’est pas, et ajoutez ce qui est propre à vous.” – Bruce Lee

Dans le monde du travail, le mot “agile” est sur toutes les lèvres. On parle de “leadership agile”, “d’organisation agile” ou encore de “méthode agile”, mais qu’est-ce que cela signifie au juste ?

Être agile veut simplement dire qu’un salarié ou une entreprise dispose d’une très bonne capacité d’adaptation pour faire face à un environnement sans cesse en changement. Cette capacité implique un savant mélange de dynamisme pour évoluer et en même temps suffisamment de stabilité pour ne pas perdre les acquis durement gagnés.

C’est un défi pour les jeunes start-ups qui elles maîtrisent bien l’aspect dynamique avec une forte croissance, mais peinent à garder leur stabilité (grand turn-over des employés, mauvais équilibre vie personnelle-vie professionnelle, manque de structure claire…).

Les grandes entreprises souffrent du problème inverse, elles sont extrêmement stables avec une hiérarchie rigide, une culture et des procédures bien établies, par contre elles manquent cruellement de dynamisme et le moindre changement demande énormément de temps, d’argent et d’effort.

Devenir agile est un atout à maîtriser par tous, puisqu’avec le progrès technologique, des situations exceptionnelles (crises financières, pandémies…) et l’évolution des normes sociales, il est important de ne pas être dépassé par les événements et savoir rebondir quand il le faut. Plutôt que de réagir aux soudains changements, il s’agit d’anticiper pour surfer sur la vague et non d’être emporté par elle.

Pourquoi devenir plus agile ?

D’après British Telecom (BT Group), l’opérateur historique des télécommunications au Royaume-Uni, la mise en place d’une organisation agile a permis d’augmenter la productivité de ses employés de 30% et diminuer de 35% les arrêts maladies dûs au stress (source). Le télétravail est également devenu la force de cette entreprise. Pour les employés, 40 à 60% du temps économisé sur les transports est directement réinvesti dans le travail, et ils acceptent plus souvent de faire des heures supplémentaires.

Au Royaume-Uni, le taux moyen de retour du personnel après un congé de maternité est de 40 %. À BT, ce chiffre est passé à 99 %, et lorsqu’il a été demandé aux mères pourquoi elles revenaient, elles ont pour la majorité mis en avant l’agilité dans leur organisation du travail. C’est un gain net pour l’entreprise qui estimait à 10.000 livres sterling (~11.000€) le coût de la perte d’un membre du personnel et du recrutement d’un nouvel employé.

La semaine de 4 jours fait également partie de ces nouvelles méthodes de travail agile. Dans notre culture du travail, travailler plus signifie être plus productif, pourtant la semaine de 4 jours est venue bousculer cette croyance.

Lorsque Microsoft au Japon a mis en place la semaine de 4 jours, sans réduction de salaire et sans toucher aux jours de vacances, la productivité a augmenté de 40% (source) avec une large satisfaction côté employé. D’autres entreprises françaises comme Love Radius et Yprema, ont adopté le même modèle avec succès et ont vu leur chiffre d’affaires fortement augmenter.

Malgré tous ces avantages, il a fallu attendre une crise sanitaire majeure pour que, dos au mur et avec réticence, les entreprises proposent le télétravail à leurs employés, alors qu’ailleurs en Europe (Pays-Bas, Finlande, Luxembourg) le télétravail est une pratique déjà bien ancrée dans les mœurs.

D’après la directrice de BT, Caroline Waters, cette résistance à l’agilité est liée à la peur des managers de perdre leur statut et à leur difficulté à mesurer la performance des employés. Côté employés, la réticence serait plutôt liée à la crainte de ne pas maîtriser suffisamment la technologie à distance, pour travailler dans de bonnes conditions.

Comment devenir plus agile ?

1. Comprendre que travailler plus longtemps n’est pas travailler plus

Nous avions déjà abordé, dans un précédent article, la notion des rendements décroissants qui explique que passé un certain seuil d’apports (en temps, investissements, effectifs…), la productivité n’augmente presque plus et même diminue. C’est la même chose au travail, plus d’heures travaillées ne signifie pas plus de travail abattu. Nous avons en France un mal tout particulier pour lequel nous sommes les champions d’Europe : le présentéisme.

Le présentéisme est un comportement du travailleur qui, malgré des impératifs de santé ou des raisons légitimes de quitter son travail, continue pourtant de travailler. D’après la Direction des études et des statistiques, 62% des employés français ont travaillé un jour où ils étaient malades contre 42% dans l’Union européenne en 2015.

Beaucoup restent ainsi tard le soir bien après leurs horaires de travail pour être bien vus par les collègues ou la hiérarchie. Cette manière de penser est complètement différente en Europe du Nord, où rester à travailler longtemps est synonyme d’inefficacité.

Pour les entreprises, c’est une fausse bonne nouvelle, puisque les employés bien que présents physiquement ne le sont pas mentalement. Les travailleurs présentéistes sont 30% moins productifs qu’en temps normal (source). Des études américaines montrent d’ailleurs que le présentéisme coûte plus cher aux entreprises que l’absentéisme, à cause du manque de performance des employés.

Chaque année, rien qu’aux Etats-Unis, cet excès de zèle fait perdre 225,8 milliards de dollars aux entreprises. Savoir quand s’arrêter est donc primordial, autant côté employeur qu’employé, pour travailler efficacement.

2. Des réunions plus courtes et plus efficaces

Tout en mettant en place la semaine de 4 jours, Microsoft Japon en a profité pour raccourcir ses réunions et en réaliser certaines à distance. L’entreprise a ainsi diminué sa consommation d’électricité de 23,1%. En France nous sommes également touchés par la réunionite, cette tendance à multiplier inutilement les réunions pour débattre de tout et de rien.

D’après un sondage IFOP, 92% des cadres en 2018 passent 27 jours par an en réunion, avec une moyenne de 3,5 réunions par semaine, ce qui est loin d’être négligeable. Ces réunions sont souvent mal gérées et deviennent un simple moment pour régler ses comptes aves les collègues et la hiérarchie, ou donner l’illusion que l’on travaille. Cela se produit parce que souvent lesdites réunions n’ont pas lieu d’être, la plupart des problématiques pouvant être résolues par un mail ou un simple coup de fil.

Il y a également un surplus de participants qui ne sont pas toujours concernés par le sujet ou le projet à l’ordre du jour, à l’inverse les personnes les plus concernées sont souvent aux abonnés absents. Les retards des participants qui arrivent non-préparés, les pauses trop fréquentes, un ordre du jour pas très clair contribuent à éterniser les réunions.

Au-delà de ces réunions inutiles pour les salariés, cela est préjudiciable pour l’entreprise qui prend du retard dans le traitement des dossiers, ce qui oblige alors les employés à travailler plus d’heures que nécessaire.

Pour apprendre à mieux gérer les réunions, je vous invite à (re)voir cet article.

3. Le travail en open-space, un faux ami

Depuis quelques années déjà, de nombreuses entreprises (les start-ups notamment) ont fait le choix de mettre en place des bureaux ouverts pour leurs employés. Bien qu’à la base l’idée était de rapprocher les collaborateurs, simplifier la communication et aplanir la hiérarchie, l’effet a été désastreux au niveau de la productivité.

Selon une étude récente en entreprise cela a créé des barrières psychologiques entre les employés qui privilégient alors le contact par mail plutôt qu’en personne, car l’open space entre en conflit avec notre besoin d’espace privé et nous pousse à nous retirer socialement.

De même le bruit incessant et les distractions se produisent plus facilement dans un bureau ouvert, alors qu’il nous faut en moyenne 23 minutes pour nous reconcentrer pleinement sur une tâche après avoir été déconcentré. Tout cela pris en compte, conduit à une baisse d’environ 60 à 70% de la productivité dû à l’open space, ce qui est énorme.

L’open space est également un désastre sur le plan sanitaire, puisqu’une étude, déjà en 2013, a montré que les salariés en open space tombaient malades plus fréquemment – 70% de plus par rapport aux salariés en télétravail – car un employé malade au travail touche de nombreuses surfaces (tables, chaises, poignées, photocopieurs…) qui deviennent infectées par des bactéries et virus avant même la pause du midi. Ce qui est d’autant plus fréquent si l’entreprise compte de nombreux “présentéistes”.

Comment se prémunir de ces dégâts sans avoir à tout changer ? Un premier pas serait d’investir dans un casque à réduction de bruit ou des écouteurs, pour être moins gêné par le brouhaha ambiant. Une petite plante, un sac à dos ou tout autre objet décoratif peuvent également servir de cloison informelle dans l’open space et apporter un peu d’intimité à cet espace.

4. Les pauses productives : Sport et méditation

Le lien entre l’activité physique et la santé n’est plus à démontrer, cela dit il existe également un lien entre l’activité physique et la productivité. D’après une étude de Santé Canada (2007) une demi-heure d’activité physique par jour apporte un gain de productivité de 12%. Elle améliore aussi la qualité du sommeil, diminue le stress et la fatigue tout en réduisant les risques d’accidents du travail.

L’activité physique est aussi un excellent moyen de diminuer l’absentéisme et augmenter la rentabilité entre 4 et 14%. Le groupe Safran a ainsi pu avec succès diminuer de cinq jours l’absentéisme au sein de ses employés d’après un rapport du gouvernement.

Selon une enquête d’OpinionWay, le sport en entreprise facilite en plus l’intégration et l’esprit d’équipe, tout en améliorant le bien-être des salariés. La pratique de méditation en pleine conscience est aussi une alliée précieuse pour renforcer l’attention et la concentration.

Dans la Silicon Valley, la méditation ou la respiration en conscience est devenue une part intégrante de grands groupes comme Google, Facebook ou Twitter. Mieux résister au stress, augmenter sa résilience et améliorer sa créativité sont autant de bienfaits qu’apporte la méditation dans le monde du travail.

Les pauses en général sont efficaces pour limiter la fatigue mentale. D’après l’INRS, les recommandations sont de 5 minutes de pause chaque heure en cas de travail intensif et de 15 minutes toutes les deux heures pour un travail plus classique. Elles aident ainsi à améliorer votre productivité, comme nous l’avons vu dans un article précédent.

5. L’importance du bien-être au travail

Le bien-être est récemment devenu une préoccupation majeure au sein de l’entreprise, et ce n’est pas sans raison. En 2012, une méta-analyse de 42 études a montré que des programmes de bien-être en entreprise diminuaient de 25% les arrêts maladie et l’absentéisme, avec un retour sur investissement de 2,73 dollars par dollar investi. Le bien-être joue également sur la productivité, puisque l’Université de Warwick au Royaume-Uni a déterminé qu’être satisfait au travail augmentait la productivité de près de 12%.

Concrètement cela passe par un meilleur environnement de travail (diminution du bruit, une température adaptée, meilleur éclairage et espace de convivialité), mais aussi par une meilleure reconnaissance du travail accompli et des aménagements horaires (en diminuant les réunions inutiles).

La diminution du stress au travail est un enjeu important car il est directement lié à l’épuisement, la dépression et au burn-out. Contrairement aux idées reçues, il n’existe pas de bon ou de mauvais stress. Lorsque le stress perdure les conséquences négatives sur la santé mentale et physique s’accumulent.
Selon l’INRS, le coût du stress d’origine professionnelle a été estimé en 2007 entre 2 et 3 milliards d’euros.

Le stress contribue au grand turn-over de certaines entreprises, à la diminution de la qualité du travail et à la démotivation des employés. Très souvent le stress chronique s’installe avec la surcharge de travail, des objectifs peu définis ou des relations difficiles avec la hiérarchie ou les collègues (voire du harcèlement).

D’après l’Organisation internationale du travail, il existe également une nouvelle source de stress : l’intrusion de la vie professionnelle dans la vie privée avec la messagerie instantanée. Les salariés se retrouvent donc constamment sollicités et connectés même en-dehors de leurs heures de travail, les mails s’accumulant à toutes heures du jour et de la nuit. D’ailleurs, les personnes qui consultent leurs mails professionnels sur leurs smartphone sont plus stressées que les autres.

Le mot de la fin

L’agilité est la capacité à mieux faire face aux événements imprévus et à un monde en changement perpétuel. Plus que des méthodes miracles, il s’agit surtout de comprendre que notre environnement professionnel et notre état d’esprit contribuent largement à nous donner la flexibilité nécessaire pour gérer les nouvelles responsabilités, les technologies émergeantes et la charge de travail.

Être en bonne santé psychologique et dans un cadre propice, sera forcément un atout à la fois dans notre vie personnelle et professionnelle, cela contribuant directement à notre productivité.

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Pour aller plus loin : L’art de devenir une équipe agile, par Claude Aubry.

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