“Le temps passé à réfléchir à un sujet est souvent inversement proportionnel à sa complexité.” − Karl Fogel
Il était une fois un petit comité de direction chargé d’approuver la création d’une centrale nucléaire. En quelques jours, tous les documents furent présentés, et le projet accepté sans trop de délibérations.
Puis, dès le lendemain un autre sujet pointa son nez : celui du choix de la couleur du hangar à vélo. Cette fois-ci, le débat fit rage et ils passèrent l’après-midi à se mettre d’accord sur les innombrables teintes de vert à appliquer sur ledit hangar.
La morale de l’histoire est qu’il est très facile de décider pour un sujet complexe, mais de perdre son temps sur des sujets plus simples.
À cette petite histoire est alors donnée un nom : la Loi de futilité de Parkinson ou encore l’effet Hangar à vélo. Cette loi pose souvent problème dans le milieu des affaires et lors de réunions. Cependant, elle s’applique aussi dans notre vie de tous les jours.
La loi de Futilité de Parkinson
Imaginez les situations suivantes :
- Vous êtes dans un magasin pour acheter une paire de chaussures. Vous n’arrivez pas à vous décider entre la paire n°1 et la paire n°2, qui est la même que la première, avec une petite variation de couleur. Vous passez de longues minutes à réfléchir, puis au final vous décidez de sortir du magasin sans rien acheter.
Toute la semaine vous repensez à cette paire et à la couleur que vous préférez, vous demandez même à des amis laquelle serait la plus adaptée pour vous. À la fin de la semaine vous retournez dans le magasin pour prendre l’une des deux paires, alors que l’une ou l’autre aurait convenu de toute façon. - Vous avez un rêve et vous avez décidé de suivre votre passion. Cependant, juste à l’évocation de ce que vous comptez faire, tout votre entourage se met en colère et commence à critiquer vos choix ou à vous proposer d’autres options… même si vous ne leur avez rien demandé. Vous vous résignez, choqué(e) et déçu(e), en laissant vos rêves de côté sous la pression sociale de votre entourage.
- Vous avez décidé de changer de style de vie, de perdre du poids ou de devenir végétarien(ne). Vous commencez alors à attirer beaucoup d’attention et de remarques sur vous, de la part de vos amis, de vos parents, et même de votre médecin. Pire, ils n’écoutent pas les raisons qui vous ont poussé à suivre cette voie, ou bien ils pensent savoir mieux que tout le monde ce qui est bien pour vous.
Dans chacune de ces situations, on retrouve la loi de Futilité :
- Choisir une paire de chaussure est une décision si simple que vous craignez de faire le mauvais choix. Il n’y a pas de comparatifs, pas d’informations pour vous aider à faire votre choix, en plus elles sont au même prix. Alors vous réfléchissez longuement, de peur de faire le mauvais choix et de le regretter en plus.
Ainsi, ce qui était à la base une simple décision, devient le pire des dilemmes de la semaine. Ironiquement, vous n’avez aucun soucis à acheter des objets bien plus chers que votre paire de chaussures ou à prendre des décisions bien plus graves. - La carrière et le travail, les divertissements et passions. Ce sont des choses qui parlent à tout le monde. Tout le monde a un jour réfléchi à cette question au moins une fois dans leur vie. Donc la majorité des gens estiment qu’ils ont le droit de discuter de la question, peu importe s’ils ont ou non une réelle expérience sur le sujet.
- Tout le monde mange tous les jours : matin, midi et soir. Donc la majorité des gens se pensent experts en nutrition ou diététiciens, malgré qu’ils ne savent rien de ce que vous mangez ou de votre diète.
Les leçons à tirer de la Loi de Parkinson
Bien que cela ne saute pas forcément aux yeux, voici 3 principes intéressants à tirer de cette problématique :
Premièrement, le plus simple des problèmes peut prendre tout notre temps. Pourquoi ? Parce cette simplicité perturbe nos esprits, surtout si nous sommes perfectionniste. Nous sommes obligés de nous appuyer sur notre jugement subjectif dans lequel nous n’avons pas confiance. Cela, alors que nous n’avons aucun mal à gérer, décider et analyser objectivement d’autres situations.
Deuxièmement, tout le monde adore donner des conseils. La quantité de conseils “gratuits” et non-sollicités peut même rapidement exploser, si c’est un sujet qui a été vécu directement ou indirectement par beaucoup de personnes.
Autrement dit, si vous comptez quitter votre travail pour vous mettre à votre compte, vous recevrez des conseils très énergiques de toutes les personnes qui travaillent ou ont travaillé un jour dans leur vie.
C’est le cas parce qu’ils ont déjà vécu la moitié de votre situation : celle où vous “perdez” votre emploi. Peu importe qu’ils ne se soient jamais mis à leur compte, ou qu’ils ne savent rien du métier d’autoentrepreneur.
Troisièmement, le jugement subjectif produit par nature beaucoup de conflits. Parce qu’il n’y a pas de qualification requise pour émettre un jugement. Tout le monde a une opinion et se pense en droit de la donner. Il n’y a pas de moyen non plus de prouver ou réfuter, parce qu’un jugement reste un jugement et il n’y a pas de vérité universelle.
Repensez à votre quotidien et vous pourrez facilement observer l’effet de la loi de Parkinson en action dans votre vie aujourd’hui.
Par exemple, vous vous inquiétez peut-être trop pour une simple décision d’achat. Ou bien vous restez trop longtemps au supermarché à décider si vous achèterez du pain au blé entier ou du pain multi-céréales. Vous créez votre nouvelle activité et d’un seul coup tout le monde a envie de vous dire ce que vous devriez faire, mais aucun n’a d’expérience directe en la matière.
Vous vous dites qu’il vous plairait de voyager vers le Pays A ou B durant vos vacances (ou même de choisir entre l’hôtel A ou l’hôtel B), sans pouvoir décider… jusqu’au dernier moment où vous restez chez vous finalement. Vous vous disputez avec votre moitié sur le fait de laisser le siège des toilettes levé ou abaissé. Vous argumentez avec vos colocataires pour laisser le chauffage allumé ou éteint.
Dans toutes les situations précédentes, le problème principal c’est qu’il y a trop de variables dans le système. Trop de pensées, trop d’opinions différentes, trop d’énergie dépensée sur des choses qui n’ont même pas d’importance. Cela peut sembler important au début, mais après une semaine, un mois, une année, ils perdent tous leur importance.
Comment arrêter de dilapider son temps et ses efforts ?
Bien entendu vous voulez éviter que la Loi de futilité dirige votre vie, voire même vienne vous l’empoisonner. Comment pouvez-vous sortir de ce mauvais pas ?
1] Vous n’avez pas besoin de suivre les avis ou retour de tout le monde. Tout le monde peut donner son opinion sur la couleur de votre hangar à vélo, mais la valeur de cette opinion diffère selon l’expérience et le savoir de la personne. Écoutez-les parler, mais vous n’avez pas à suivre leur conseil. Commencez d’abord par vérifier si la personne représente une source fiable pour vous à écouter.
2] Prenez la couleur que vous voulez. Dans l’histoire du hangar à vélo, tout le monde passe énormément de temps à choisir la couleur du hangar. Recentrez-vous sur votre vie, il y a-t-il des personnes qui vous conseillent sur la couleur de votre “hangar” (Ex : votre travail, votre alimentation, vos prochaines vacances…) ?
Les opinions sont toujours bonnes à écouter, mais le “hangar” vous appartient et vous êtes la seule personne qui vivra avec. De quelle couleur voulez-VOUS peindre VOTRE hangar à vélo ? C’est quelque chose que vous seul(e) devez décider.
3] Demandez-vous quelle importance cela a vraiment. Est-ce que la couleur du hangar à vélo est réellement importante, honnêtement ? Est-ce que c’est quelque chose qui mérite réflexion ? Pour faire le tri :
- Est-ce que cela aura encore une importance d’ici 1, 3, 5 ans ?
- Est-ce un changement irréversible ?
- Il y a-t-il de grands enjeux derrière cette problématique ?
Si la réponse est “non” pour (a) et (b) et qu’il n’y a pas de grands enjeux, alors non ce n’est pas important et vous ne devriez pas dépenser autant d’énergie là-dessus.
4] Utilisez des outils d’évaluation objectifs. En supposant que votre problème est suffisamment important pour que vous y passiez plus de temps, il est peut-être utile de redevenir un peu plus objectif.
Puisque votre jugement subjectif est subjectif et peu concluant, utilisez des critères objectifs pour éclairer votre situation. Par exemple, si vous vous demandez si vous devez quitter votre emploi maintenant ou attendre encore quelques mois, simplifiez le problème.
Identifiez vos objectifs, faites une liste des avantages et inconvénients de chaque option, puis choisissez celui qui correspond le mieux à votre objectif. Si vous n’êtes pas sûr de l’emplacement de votre nouvelle activité, faites une étude de marché, calculez les coûts et les rendements potentiels de chaque emplacement et voyez ce qui est profitable.
Si vous n’êtes pas sûr(e) de l’endroit où vous allez loger, demandez au voisinage si le quartier est agréable, regardez la moyenne des loyers et l’aspect extérieur des logements. Chaque situation, aussi subjective soit-elle, peut redevenir objective lorsque vous définissez les critères que vous recherchez.
5] Ne parlez pas de quelque chose sauf si vous êtes prêt à écouter les opinions des autres à ce sujet. C’est bien connu, tout le monde aime apporter son grain de sel et commenter tout ce qui se passe dans la vie des autres. Imaginez cela comme une boîte de Pandore, une fois que vous l’aurez ouverte vous ne pourrez plus rien contrôler.
En parlant de ce sujet qui vous inquiète, vous permettez aux autres de vous critiquer librement. Les détracteurs attendent particulièrement ce type d’occasion pour partager leurs pensées négatives. Alors sauf si vous êtes prêt à écouter ce que les autres ont à vous dire, n’en parlez pas du tout.
6] Utilisez le principe 80/20 pour séparer les tâches importantes des non-importantes. Nous avons souvent tendance à nous occuper de problèmes type hangar à vélo, parce qu’ils sont facile et “indolores” mentalement. Par contre, ils sont réellement inutiles et représentent une vraie perte de temps.
La technique est donc simple, vous séparez vos tâches en deux piles : les 20% de tâches très importantes qui ont un impact dans votre vie ET les 80% de tâches qui n’ont peu voire aucun impact.
Puis, vous allouez tout votre temps à ces 20% de tâches importantes, puis vous vous libérerez des autres 80% en les faisant soit rapidement, en les déléguant ou en les éliminant complètement. De cette façon, vous ne pourrez plus vous laisser entraîner dans ces histoires d’hangar à vélo.
7] Choisissez vos combats. Il y a des millions de problèmes futiles dans lesquels vous pouvez plonger, mais ce n’est pas ce que vous voulez. Vous voulez avoir le choix en utilisant votre temps pour faire ce qui compte pour vous.
Tout le monde peut vouloir débattre sur ce qui lui tient à cœur, mais si c’est quelque chose de trivial pour vous, alors laissez tomber. Vous n’avez pas à “gagner” un débat juste pour gagner. Utilisez votre énergie pour des choses importantes pour vous (voir le point n°3).
8] N’en prenez qu’une et lancez-vous. Si la décision n’a pas d’importance sur le long terme, alors prenez n’importe quelle option et lancez-vous. Pour vivre un dilemme, il faudrait déjà que ces options aient une importance, n’est-ce pas ? Donc au final, peu importe que vous preniez le vélo jaune ou vert :) !
À vous de jouer maintenant. Comment pouvez-vous appliquer ces 8 conseils ci-dessus et vous débarrasser de la loi de Parkinson ?
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1 Commentaire
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Excellent!
Mais ce qui m’interpelle tout court, c’est le titre de votre blog/site web: «PenserChanger».
Changer…
Car ce n’est pas le tout de penser et d’adhérer (seulement en pensée)…
Il faut changer!