L’Effet Dunning-Kruger : Vous ne savez pas ce que vous faites !

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“Si je n’étais qu’intelligente, tout irait bien. Mais je suis extrêmement intelligente, ce que la plupart des gens trouvent menaçant.” – Sharon Stone, actrice.
“Dans le monde entier, les gens me reconnaissent comme un grand leader spirituel.” – Steven Seagal, acteur.

L’effet Dunning-Kruger est un biais intellectuel qui pousse les personnes incompétentes à surestimer leurs capacités, et les empêche de se rendre compte de leurs erreurs ou leur manque de compétences dans certains domaines. D’un autre côté, nous retrouvons aussi des personnes très compétentes qui tendent à sous-estimer leurs capacités, en pensant que les autres sont plus doués qu’elles.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce biais n’est pas dû à de la vantardise chez ces personnes, mais simplement à une mauvaise estimation de leurs propres capacités.

L’Effet Dunning-Kruger : Lorsque la confiance dépasse la compétence

Voici un petit schéma qui fait le lien entre le niveau d’expérience et de confiance :

Bien entendu, ce biais a des répercutions énormes dans beaucoup de domaines. Et notamment là où il est le plus visible, c’est dans le monde du travail.

1. Pour engager les bonnes personnes

L’un des plus gros problèmes de cet effet se produit lorsqu’une entreprise – ou bien n’importe quel entrepreneur – souhaite recruter des employés pour un travail.
Cela se manifeste alors par un grand nombre de candidats peu ou non-compétents, postulant le poste en question, qui peuvent malgré tout paraître très confiants et sûrs d’eux.

En étant dupe sur le niveau de ses nouvelles recrues (à cause de l’effet de halo notamment), une entreprise peut vite prendre l’eau car une fois que l’incompétence de ses nouveaux employés sera révélée, ils refuseront de se former pour devenir compétent, persuadés d’avoir ce qu’il faut pour le job.

Un autre problème bien plus grave, est que leur propre incompétence ne leur permettra pas de reconnaître la compétence chez les autres. Ainsi, ils seront incapables de savoir si cet autre employé/supérieur qui pointe du doigt leurs erreurs est plus compétent qu’eux, ce qui les poussera à remettre en question leur légitimité.

2. Les promotions en entreprise

Beaucoup d’individus sont très doués pour se mettre en valeur. Ils tendent aussi à s’attribuer les mérites d’un effort collectif (travail en équipe) car ils n’ont aucun scrupule à prétendre avoir fait plus que leur juste part de travail. Cela arrive parce qu’ils ne voient pas les limites de leur contribution ni la portée de celle-ci.

À l’inverse, des personnes qui travaillent intensément tendent à être modestes et réservés sur la valeur de leurs efforts. Ils ne chercheront pas à montrer la qualité de leur travail en pensant qu’il est normal d’avoir des critères élevés.

Cela produit ainsi des résultats assez déplaisants en matière de promotions. Les personnes non-qualifiées continuent de progresser sur l’échelle sociale en se mentant à eux-mêmes et aux autres sur leurs propres capacités, tandis que ceux qui ont les idées et les compétences pour exécuter leurs tâches sont laissés pour compte à leur poste habituel.

Bien des mauvais patrons ou collègues surévalués sont présents dans le monde du travail, à cause de cet effet. D’un côté cela ne valorise pas le travail bien fait, ce qui peut pousser à ceux qui disposent de réelles compétences à ne plus en faire autant, voire à quitter l’entreprise. D’un autre, si trop d’employés (voire le patron) n’ont pas les compétences pour accomplir leurs tâches, c’est l’avenir même de l’entreprise qui est en péril.

3. Le micro management

Un autre exemple répandu de ce biais peut être observé dans les entreprises, qui embauchent des employés hautement qualifiés dans un domaine et qui se retrouvent gérés par des cadres qui n’ont que très peu d’expérience dans ce même domaine.

Pour compenser leur manque d’expérience, ceux-ci vont pinailler sur des détails pour montrer qu’ils en savent quelque chose. Cela les conduit ainsi à les faire intervenir aux mauvais endroits, en diminuant le moral et la productivité des employés qu’ils gèrent. Voici un cas classique d’une gestion inefficace qui pèsera lourdement sur l’entreprise.

4. Sous-estimer les nouvelles tendances

Beaucoup d’entrepreneurs pensent qu’en ayant suffisamment d’expérience dans un domaine fait d’eux des experts dans d’autres domaines aussi, ce qui est tout simplement faux. Même si vous êtes un(e) expert(e) dans un domaine, vous pouvez rester “aveugle” à certains éléments qui pourraient tout faire basculer.

Par exemple, lorsque certaines chaînes d’hôtels apprirent que des gens commençaient à faire louer des matelas chez eux pour passer la nuit, ils s’en amusèrent.

De leur point de vue professionnel, ils ne pensaient pas que des particuliers hébergeant des étrangers chez eux pouvait constituer un marché naissant. Ils s’en mordirent les doigts lorsque Airbnb se développa et empiéta rapidement sur leur part de marché.

Depuis quelques années, les voyageurs étrangers souhaitant visiter le pays font désormais appel aux particuliers plutôt que de louer une chambre d’hôtel, ce qui leur permet de faire de larges économies.

Lorsque l’effet Dunning-Kruger s’invite aussi chez vous

Mais l’effet Dunning-Kruger produit aussi des désastres sur le plan personnel.

Qui ne s’est jamais improvisé bricoleur, puis affirmé qu’il manquait des pièces à l’ouvrage (surtout après avoir monté une armoire Ikéa) ? Ou bien croire avoir réussi un nouveau plat et s’en vanter, pour ensuite affronter les commentaires acerbes de ses invités ?

Ou encore être persuadé d’avoir une bonne relation avec sa moitié, puis être sous le choc de l’annonce d’une rupture du couple ?

L’on remarque donc que lorsque nous sommes les seuls à estimer notre travail dans un domaine qui nous est nouveau, nous nous surestimons bien souvent. Pire encore, lorsque des conséquences négatives nous reviennent à la figure, nous nous justifions en pointant du doigt des éléments extérieurs, sans jamais nous remettre en question.

Seul parfois le regard des autres sur notre travail nous permet de revenir à la réalité (si l’on n’est pas trop borné bien sûr). Hélas bien souvent cela ne suffit pas, et nous restons là à barboter dans notre médiocrité. Et oui, pourquoi vouloir s’améliorer ou se former / prendre des cours, si l’on pense savoir tout ce qu’il y a à savoir dans ce domaine ?

Se croire infaillible est bien entendu la porte ouverte à la déconvenue, parce que cette croyance est complètement déconnectée de la réalité ; personne n’est à l’abri de l’échec. Pour éviter tout cela, voyons ensemble quelques solutions pour limiter les conséquences négatives de ce biais :

  1. Utilisez des outils d’évaluation objectifs pour mesurer votre performance. Faire le point de temps en temps, avec des objectifs concrets et précis à atteindre, vous aidera à savoir où vous en êtes et à progresser plus vite.
  2. Discutez et encouragez le débat sur ce que vous faites. Demandez aux autres des retours sur votre façon de procéder (s’ils ont l’habitude d’agir dans le même domaine que vous) et ce qu’il y aurait à améliorer. Ne vous fiez pas uniquement à votre propre jugement.
  3. Si vous êtes entrepreneur, encouragez vos meilleurs employés même s’ils n’ont pas beaucoup confiance en eux. Ce sont des gemmes cachées qui n’attendent qu’une main tendue pour briller dans votre société.
  4. Évitez de prendre des décisions par vous-même, surtout si celle-ci est importante. Prenez conseil auprès de plusieurs personnes et tirez-en un avis général sur la question. Cela vous aidera par la suite à y voir plus clair.

Le Principe de Peter ou Syndrome de la promotion Focus

Un autre principe très proche de celui de Dunning-Kruger est le Principe de Peter. Il explique qu’au fur et à mesure des promotions, un employé devient de moins en moins compétent dans ses tâches, jusqu’à ne plus être promu. Le fameux employé reste alors à son poste “d’incompétent” jusqu’à la retraite.

À terme, les positions hiérarchiques les plus hautes seront remplies “d’incompétents”. Tout cela n’étant possible que parce que la hiérarchie pense à tort qu’une personne compétente à un poste, continuera à l’être dans un poste avec des responsabilités plus élevées ou différentes du poste initial.

Pourtant, un bon vendeur ne fait pas toujours un bon manager (et inversement !). Combiné avec l’effet Dunning-Kruger, on retrouve alors des employés nouvellement promus, qui ne se rendent même pas compte qu’ils sont incompétents car n’ayant aucune expérience dans la nouvelle fonction qu’ils occupent.

Il existe cela dit des moyens de contrer ce Syndrome de la promotion Focus :

  • Le plus évident est de n’accorder des promotions qu’aux personnes réellement formées pour le travail qui les attend, et pas seulement compétentes dans leurs tâches actuelles.
  • Le second point est justement de former ces personnes, si leurs qualifications ou expérience n’est pas suffisante pour leur futur emploi.
  • Et dans le dernier cas, de rétrograder les employés réellement incompétents même après une formation.

Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à le partager avec votre entourage :) !

Pour aller plus loin : Le Principe de Peter, de Laurence-J. Peter

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Adam Fartassi
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Voir les commentaires

  • On mesure l'intelligence d'un individu à la quantité d'incertitudes qu'il est capable de supporter. E. Kant.

    Cette phrase résume assez bien à elle seule l'effet Dunning-Kruger.
    Pour progresser, il faut se poser des questions, et pour se les poser il faut être conscient qu'on a des lacunes.
    Pour ceux qui lisent par exemple le Monde Diplomatique, nous sommes nombreux à avoir la sensation de moins comprendre un sujet après avoir lu un article qui en traite qu'avant. C'est un paradoxe. Mais au moins a t'on compris une chose importante, c'est que la situation était bine moins simple que ce que l'on imaginait. Et c'est déjà un gros progrès.

    On peut également rapporter la fameuse phrase d 'Audiard: "les cons ça ose tout c'est même à ça qu'on les reconnaît" à l'effet Dunning-Kruger. Moins on en sait sur un sujet, plus on est affirmatif et véhément puisque on est persuadé d'avoir compris quelque chose de très simple.

    En 2018, il y avait 30 millions de sélectionneurs pour le mondial. En 2020, il y a 30 millions de virologues ! Tous sont persuadés par exemple de savoir si le professeur Raoult à raison ou tort. Il n'ont pas l'ombre d'un doute. Le problème est qu'ils n'ont pas non plus l'ombre d'une compétence en la matière !

  • Ps : J'ai oublié de préciser, le gars est affecté ailleurs non pas en tant que manager mais en tant qu'équipier, Héhéhé !... J'adore ! :-)
    Il ne pourra plus exercer sa tyrannie sur les autres, c'est peut-être à son tour de souffrir ce qu'il a fait aux autres.

  • Je connais un manager, je pense qu'on peut lui décerner la palme d'or du plus mauvais manager (il est imbu de sa personne, il se croit supérieur aux autres, il s'attribue tous les mérites alors que c'est le travail de toute une équipe sauf lui, quand ça ne va pas, bien sûr ce n'est pas de sa faute, c'est la faute des autres, les avis des autres ne comptent pas, au lieu de soutenir ses équipiers, il les entraîne vers le bas en les rabaissant, il se permet de faire des remarques désobligeantes alors que lui-même n'est pas un modèle à suivre...et j'en passe).

    Ce qui devait arriver, arriva, son équipe se disloque progressivement car les gens ne le supportent plus. (l'équipe passe de 5 personnes à une personne qui a un autre manager qui s'occupe d'elle, tandis que son manager est affecté ailleurs)

    Je n'ai qu'une chose à dire, si vous êtes manager, respectez vos équipiers comme si voulez qu'on vous respecte, écoutez ce qu'ils ont à dire, prenez en compte leurs avis, ne vous attribuez tout le mérite, pensez à vos équipiers qui ont travaillé dur pour ce résultat, si ça ne va pas, ne pointez pas du doigt les autres, assumez vos responsabilités et essayez de travailler avec vos équipiers pour résoudre les problèmes, soyez un modèle de respectabilité pour les autres.

    C'était mon coup de gueule contre les gens exécrables et incompétents qui se croient supérieurs aux autres :-)

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